Histoire d'O de Pauline Réage
Publié le 16 Septembre 2014
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La littérature érotique n'avait pas encore trouvé sa place dans les Gridouillis. C'est désormais chose faite, avec Ô surprise!, un roman érotique sado-maso.
L'idée n'étant pas de succomber à la mode des "mummy porn soft" (ce n'en est pas un - et quel terme atroce! Qui a pu inventer ça??) mais plutôt de re-découvrir un grand classique (pubié en 1954) qui m'avait tuée au bout de 10 pages à la 1ère lecture.
Et puis, quand un livre est assez sulfureux pour déclencher un tel scandale - une interdiction de vente aux mineurs, d'affichage et de publicité pendant plus de 20 ans - j'ai envie de savoir de quoi il retourne exactement.
Le début de l'histoire:
O est la fiancée de René. Un jour qu'il vient la chercher en taxi (le roman commence directement par cette scène), il lui demande de se déshabiller sur la banquette arrière et la dépose devant une porte. Il lui dit d'entrer et d'obéir aux ordres qui lui seront donnés. A l'intérieur, O se laisse guider jusqu'à une chambre (une cellule?), tend les poignets pour qu'on l'attache et commence à subir tous les outrages que les maîtres voudront lui infliger (rapports sexuels divers et forcés, coups de fouets, de cravache, humiliations et autres traitements qui rivalisent d'inventivité...).
Lors de ma première lecture, il y a plusieurs années, je m'étais arrêtée très vite (dès les premiers coups de fouets). La maltraitance d'O m'était insupportable. En fait, c'est surtout son absence de rébellion qui me paraissait inconcevable. Comment cette fille pouvait être aussi passive, aussi soumise, assez idiote pour accepter d'être livrée en pâture aux "amis" de son fiancé sans broncher? Quelle image dégradante de la femme me montrait-on là?
Je ne comprenais pas.
Et effectivement...Je n'avais rien compris.
Je n'avais pas compris qu'il y a une autre façon d'aborder histoire d'O.
Il ne faut pas le prendre au 1er degré mais le considérer comme ce qu'il est à la base: un fantasme.
Qui plus est, un fantasme de femme.
Pauline Réage (c'est un pseudo, on finira par découvrir la véritable identité de l'auteur -Dominique Aury - après des années de folles rumeurs) a écrit ce récit pour émoustiller son amant de l'époque "Je n'étais pas jeune, je n'étais pas jolie. Il me fallait trouver d'autres armes." expliquera-t-elle longtemps après.
Une fois qu'on a accepté cette idée, il est beaucoup plus facile d'entrer dans le récit et de l'apprécier. En avançant dans la lecture on comprend (ce n'est pas dit tout de suite) qu'O n'est pas une victime, elle est parfaitement consentante (je n'aime pas le terme de "victime consentante" - mais c'est un autre débat...). Elle accepte d'être soumise, de s'abandonner totalement à celui qu'elle aime, d'être son esclave dévouée. Et elle en tire du plaisir. De la fierté aussi. Quand elle a des moments de doute et d'angoisse, ce n'est pas à cause des mauvais traitements qu'elle subit mais parce qu'elle redoute que son maître ne l'aime plus autant, qu'il se lasse d'elle et la rejette. Elle est dépendante de l'attention qu'il lui porte.
J'ai trouvé très intéressant de se placer du point de vue de la soumise et d'essayer de comprendre ses motivations. Mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas chercher trop loin. Il faut lire histoire d'O comme petite curiosité coquine, piquante, et le consommer avec légèreté.
Bien que destiné à un public averti, le style, il n'est pas si cru qu'on pourrait s'y attendre. L'auteur a tendance à survoler les scènes d'amour en utilisant des termes vagues, un peu désuets. Les situations sont suffisamment parlantes et dérangeantes pour que l'auteur n'ait sans doute pas jugé utile d'en rajouter. Cependant, on regrettera un peu le manque de vocabulaire pour décrire les scènes charnelles et désigner les parties du corps. Toujours les 2 mêmes mots, imprécis, le ventre pour parler du vagin, les fesses pour désigner l'anus. Ce n'est pas comme si la langue française était limitée pour parler d'amour! (Sachez en tout cas, avant d'entamer cette lecture, que les plis du ventre ne désignent pas forcément les bourrelets au dessus de la taille...ça vous aidera à mieux comprendre certaines scènes:) )
Histoire d'O a reçu le prix des 2 magots en 1955