Publié le 13 Mars 2015

Chaque nouveau roman de Houellebecq est un petit événement pour moi. Il fait partie de la poignée d'auteurs que j'admire beaucoup et pour qui je me précipite chez mon libraire le jour même de la sortie du livre, histoire d'être parmi les premières à découvrir la chose. Avant sa sortie officielle, tous les spécialistes du monde littéraires, journalistes et chroniqueurs l'avaient déjà lu; et même quelques citoyens lambda semble-t-il (le manuscrit a, parait-il, été piraté et diffusé sur internet - info ou intox? voire fuite volontaire...??). Pour ce qui était d'être la première c'était raté. Tous ceux qui l'ont lu avant moi ne se sont pas privé pour en déflorer l'intrigue (et même carrément citer des passages entiers! - moi qui ne lis même pas les 4ème de couv', j'en aurais presque crié au viol).

Le 7 janvier dernier (date de la sortie officielle mais aussi, hasard du calendrier, jour de l'attentat contre Charlie Hebdo), tout le monde avait déjà un avis très tranché sur la question:

formidable ou détestable (Houellebecq quoi...).

Mais un autre mot est beaucoup ressorti : islamophobie.

Alors là...ça m'a laissée songeuse....

Que Houellebecq soit islamophobe dans sa vie privée (et même publique) aurait pu m'échapper (je ne m'intéresse pas à l'homme mais à son travail d'auteur) mais s'il y avait eu du racisme dans ses romans précédents, je n'aurais pas pu passer complètement à côté...Enfin je ne pense pas...

Cette polémique a donc piqué ma curiosité au vif et c'est avec un réel souci d'objectivité que j'ai attaqué cette lecture, en prenant soin d'être très attentive aux mots employés et au ton de l'auteur.

Soumission de Michel HOUELLEBECQ

Soumission est un roman de légère anticipation. L'histoire se déroule en 2022. Le narrateur est personnage houellebecquien classique (comprendre solitaire, introverti, froid, détaché du monde et dépressif sur les bords). Spécialiste de Huysmans, il est devenu prof d'université sans conviction, parce que "les études universitaires dans le domaine des lettres ne conduisent comme on le sait à peu près à rien" sinon à l'enseignement...

Description cocasse de la vie à l'université...

Arrivent les élections présidentielles. Le Front national et le parti de la Fraternité musulmane sont au coude à coude au premier tour.

Suivant les conseils d'amis politisés, le narrateur fuit Paris pour aller se réfugier en province entre les deux tours. Il craint en effet que le pays ne se retrouve à feu et à sang. L'anti-héros dans toute sa splendeur...non engagé et fuyant.

La Fraternité musulmane est élue au second tour et prend la tête du pays sans qu'aucun incident grave ne soit à déplorer. Le narrateur retourne vivre à Paris. La vie reprend alors son cours normal. Et Houellebecq de décrire les changements qui découlent de cette élection, au quotidien, dans la société française.

Houellebecq imagine à quoi ressemblerait la nouvelle société française si elle était gouvernée par un personnage fictif (!) qui aurait pour ambition de créer un empire musulman européen. Il imagine les répercussions directes au niveau de l'éducation (du travail à l'université notamment), dans la façon de s'habiller des femmes, les rayons du supermarché etc...Et puis la polygamie est désormais autorisée, ce dont ne manquent pas de profiter quelques vieux profs de sa connaissance qui épousent de très jeunes filles...

Les critiques de Houellebecq touchent l'ensemble du monde politique (description des stratégies, retournement de veste, recherche du pouvoir sans principes ni scrupules), et les médias (petites taquineries contre les médias plus que critique acerbe).

Je n'ai, pour ma part, rien trouvé d’offensant vis-à-vis des musulmans dans ce roman.

C'est une fiction !

Dénoncer les dérives possibles (dérives possibles - pas probables !) d'un système n'est pas une attaque directe à tous lesmusulmans.

On peut s'interroger sur le sujet choisi : Pourquoi un parti musulman et pas un autre parti religieux ? Attaque délibérée ? Provocation ?

Mais on peut aussi se demander: pourquoi pas ?

Est-ce qu'il y aurait désormais des sujets tabous, sur lesquels on n'a pas le droit d'écrire ?

On n'a pas le droit d'écrire sur l'islam si on n'est pas musulman ?

On n'a pas le droit d'imaginer comment la vie quotidienne pourrait changer si un parti religieux était au pouvoir?

On n'a pas le droit d'imaginer qu'il pourrait y avoir des dérives dans l'islam (des hommes qui profiteraient de la polygamie par exemple)?

On n'a pas le droit de CARICATURER...???

Et c'est exactement de ça dont il s'agit: le roman comme caricature.

On vit quand même dans une drôle d'époque...politiquement correcte à outrance (ça partait pourtant d'une bonne intention au départ cette histoire de politiquement correct). Désormais, les susceptibilités sont tellement exacerbées que tout le monde marche sur des oeufs...Heureusement qu'il y a encore des Houellebecq, des écrivains, des intellectuels, des artistes qui osent, qui s'engagent, qui choisissent leurs sujets sans contrainte ni auto-censure. En faisant de la provocation s'il le faut. C'est aussi le rôle des artistes de secouer la bienséance.

Pour tout ça, j'ai envie de défendre Soumission. Par principe.

Aujourd'hui plus que jamais.

Les (autres) défenseurs de Houellebecq disent qu'il s'agit de loin de son meilleur roman. Là-dessus, je ne suis pas d'accord. Et pour être même parfaitement honnête, je ne l'ai pas vraiment aimé ce livre (du point de vue littéraire). Je lui ai trouvé un problème de rythme.

J'ai adoré le début. Le premier tiers du livre. J'ai ri en découvrant ce personnage du narrateur,si petit: sans ambition, sans vie privée, sans vie sociale, qui se noie dans les petits détails pratiques de sa vie de merde plate. Ses courses au supermarché, les tracasseries administratives, le réchauffage d'une barquette au micro-onde sont autant d'événements futiles qui prennent une importance énorme dans son quotidien si vide. Sa vision du monde en est déformée, disproportionnée....Très drôle.

J'ai aimé aussi le côté un peu inquiétant de certains passages. L'ambiance oppressante, post-apocalyptique, après des événements violents dont on n'entend pas parler aux informations. Les systèmes de communication coupés...On bascule presque vers le polar par moment et c'est vachement bien fait. (J'adorerais que Houellebecq écrive un roman noir, il excellerait dans ce genre).

Et puis après, je me suis ennuyée.

Trop de dialogues politiques, de détails sur la vie et l'oeuvre de Huysmans...Des longueurs...

Comme si l'auteur était parti dans une direction puis qu'il avait bifurqué en route et s'était perdu, s'était embourbé dans les errances de son narrateur (qui d'ailleurs ne sait pas trop où il va dans la vie), perdant le rythme, l'humour, les qualités premières de son écriture au fur et à mesure qu'avance le roman.

Après l'avoir refermé, je me suis dit: "tout ça pour ça?". Tout ce tapage pour une fiction même pas géniale. Même pas offensante.

De quoi me laisser encore plus songeuse qu'avant lecture...

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Rédigé par gridou

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Publié le 4 Mars 2015

Chien blanc de Romain Gary

Après la promesse de l'aube, il a fallu que je découvre (d'urgence) d'autres titres de Romain Gary. Ce fut donc Chien blanc, sur recommandation...

Tout commence par la rencontre avec un chien...

Cette fois encore, le récit est autobiographique. Gary vit à Los Angeles avec sa femme, Jean Seberg, actrice. Ils ont une grande maison pleine d'animaux. Gary adore les animaux. N'écoutant que son cœur, il adopte illico le gros chien sans collier tout trempé qui vient se présenter à sa porte. C'est un beau berger allemand, doux et affectueux. Quelques jours après son arrivée à la maison, le chien attaque l'homme chargé de l'entretien de la piscine. Puis un livreur. Il ne faut pas longtemps à Gary pour comprendre que le gentil toutou n'est pas un chien ordinaire, il a été dressé à l'attaque. C'est un chien blanc: un chien de flic dressé à attaquer les noirs. Gary est profondément choqué par le dressage dont le chien a fait l'objet. Il se rend dans un chenil spécialisé pour faire re-dresser le chien. Impossible, trop tard, lui dit-on. Guérir le chien de la haine qu'il a en lui devient alors son obsession, pour ne pas faire piquer le chien mais surtout pour le symbole. On est en 1968, en pleine guerre du Vietnam, les mouvements civiques contre la ségrégation sont très actifs, Martin Luther King est assassiné, les émeutes raciales embrasent le pays. A la maison, Jean est très investie dans la cause noire. Elle donne beaucoup de temps et d'argent à des associations. Elle est constamment sollicitée, mais aussi beaucoup critiquée, on l'accuse (à tort) de vouloir soigner son image, de manquer de sincérité. On la menace de mort aussi.

Chien blanc est un récit assez touffu bien que court (220 pages), plein de personnages secondaires, notamment des militants de tous bords. Bien sûr, l'histoire du chien est emblématique, elle permet à Gary d'élargir la réflexion, de revenir sur l'histoire passée et actuelle des noirs aux États-Unis, de faire une étude de la société américaine. N'oublions pas qu'il est diplomate et qu'il voyage beaucoup, il a une vision du monde très globale, beaucoup de recul sur la situation (d'autant plus qu'il n'est pas américain). Pour ça, ce livre est hyper intéressant.

Cependant, j'ai été un peu gênée par le ton de l'auteur. Gary semble se sentir vieux et las dans ce livre, bien qu'il n'ait que 54 ans. Par moments, il est si désabusé et blasé de ses frères humains qu'il en vient à préférer la compagnie des animaux. Il humanise énormément ses amis à 4 pattes et ne cesse de raconter des petites anecdotes à leur sujet. Au risque de me mettre la SPA (et plein d'autres) à dos, je dois avouer que ça m'a agacée. Gary choisit un thème hyper ambitieux, développe son propos en prenant plusieurs angles d'attaque, plusieurs point de vue - des militants, des politiques - et il le fait vachement bien! Puis de conclure que les hommes sont vraiment des salauds avec leurs guerres et leur haine alors que les chiens...méritent vraiment tout l'amour qu'on leur porte. Je schématise évidemment. Mais vraiment...pour moi il y a trop de sentiments dégoulinants d'affection pour les animaux et de froideur vis à vis de l'Homme dans ce bouquin.

En fait, j'avais espéré (même si le thème ne s'y prête pas) retrouver l'humour et le ton que j'avais tant aimés dans la promesse de l'aube.  D'où ma déception.

 

Je n'ai lu que des critiques élogieuses sur Chien blanc, il est donc probable que l'amour de Gary pour les bêtes (mais pas pour les humains) n'a dérangé que moi. Et il serait dommage de se priver de cette lecture pour cette raison, d'autant plus qu'il y a vraiment plein de bonnes choses dedans. 

 

Romain Gary et Jean Seberg
Romain Gary et Jean Seberg

Un passage qui m'a beaucoup plu (comme quoi les choses n'ont pas beaucoup évoluées en quarante ans):

«Une maison brûle, mais elle n'intéresse personne. Par contre, à cinquante mètres de là, devant la vitrine d'un magasin, on regarde les maisons brûler sur l'écran d'une télévision. La réalité est là, à deux pas, mais on préfère la guetter sur le petit écran: puisqu'on l'a choisie pour vous la montrer, ça doit être mieux que cette maison qui brûle à côté de vous. La civilisation de l'image est à son apogée. »

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Rédigé par gridou

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Publié le 26 Février 2015

La promesse de l'aube de Romain Gary

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La promesse de l'aube (quel beau titre!) est une auto-biographie. Romain Gary nous conte, avec un humour irrésistible et beaucoup d'auto-dérision, ses débuts dans la vie. Il n'a pas connu son père, mais sa mère occupait largement les deux places. Déterminée à faire de son fils chéri quelqu'un de grand, d'important, elle l'inscrit dès son plus jeune âge à tous les cours particuliers qu'elle peut trouver. Aucune pratique sportive, ou artistique ne lui sera épargné.

« Ma mère se livrait à une prospection systématique pour tenter de découvrir en moi la pépite secrète de quelque talent caché. »

De nombreux essais plus tard...

«Forcée ainsi à admettre que je ne manifestais aucune disposition spéciale, ni talent caché, ma mère finit par conclure, comme tant d'autres mères avant elle, qu'il ne me restait plus qu'une solution: la diplomatie».

Et effectivement...il deviendra diplomate.

Maman poule pousse son petit Romain, certes, mais toujours avec bienveillance et beaucoup d'amour.

Fiston se prête bien volontiers au jeu tant il sait à quel point sa mère se sacrifie tous les jours pour lui. En effet, fraîchement immigrée de Russie, après un passage en Pologne, ils débarquent tous les deux à Nice, une valise sous le bras contenant toute leur fortune. Le moins que l'on puisse dire, c'est que maman Gary a de la suite dans les idées, le sens du commerce et surtout une ténacité à toute épreuve. Cette force en elle, qui fait qu'elle ne baisse jamais les bras même dans les pires moments, elle la transmet à son fils, qui a son tour vivra des histoires incroyables. Des études à Paris sans un sous, une école d’officier, le pilotage, la guerre, la maladie...Il échappera à la mort à plusieurs reprises. Il peut être fier de tout ce qu'il a accompli, parti de rien...Et pourtant, son récit est toujours plein d'humilité, de remise en question de soi.

A propos de la guerre (il a reçu la légion d'honneur) :

« Je me suis débattu. Je ne me suis pas vraiment battu. »

ou encore :

« me dressant sur la pointe des pieds pour révéler à tous ma stature, je ne donnais la mesure que de mes prétentions. »

Quant à l'écriture, il s'y met très tôt, à l'adolescence. Il s'acharne à écrire « un chef-d’œuvre », à devenir un « titan de la littérature française » pour parvenir à la hauteur des espérances de sa mère.

Mission accomplie.

(Romain Gary a écrit une trentaine de romans et essais, reçu le prix Goncourt en 1956 pour les racines du ciel → il était fort pour trouver des super titres non ?, et de nouveau le Goncourt en 1975 pour la vie devant soi écrit sous le pseudo Emile Ajar - il est le seul auteur à avoir reçu 2 fois le Goncourt.)

En général, quand je coche la moitié des pages d'un livre c'est que j'ai été largement séduite par son style.

Quand je mets des citations à plusieurs reprise dans l'article, c'est que je préfère laisser le soin aux autres lecteurs de juger par eux-mêmes.

Mais pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, j'ai 2 -3 derniers arguments en poche... :

- La promesse de l'aube est un classique qu'il faut lire au moins pour la culture générale.

- C'est un livre très drôle, bien écrit et facile à lire.

- Un récit d'aventure plein d'action (avec des scènes de guerre, des avions, des embrouilles entre officiers bourrés dans les bars...et aussi des prostituées !)

(Oui bah...pour rameuter les lecteurs, tous les coups sont permis)

-C'est avant tout un vibrant hommage à sa mère, tendre et émouvant mais jamais larmoyant.

- Mais aussi un hommage à la France (Romain Gary est un grand francophile), terre d’accueil, porteuse de valeurs culturelles et de beaucoup d'espoirs pour les émigrés du monde entier.

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Rédigé par gridou

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Publié le 23 Février 2015

Vous la croyiez morte mais non...Et même qu'elle respire (et lit) encore!!

Evidemment, les abonnés auront noté un certain relâchement de ma part...

oui un peu comme ça...mais surtout comme ça en fait:

oui un peu comme ça...mais surtout comme ça en fait:

Une visite éclair...

J'ai raté le coche pour les vœux de bonne année; en cause, la triste actu de janvier qui m'a coupée dans mon élan (de toute façon je n'avais rien de particulièrement original à dire si ce n'est "bonne année" et c'était un peu court pour rédiger un article...). Mea culpa.

Les Gridouillis sont restés longtemps à l'abandon, ce qui ne m'a pas empêchée de continuer à lire (c'est pas le genre d'habitude qu'on perd du jour au lendemain...).

Parmi les derniers bons romans lus (en fait je n'ai lu que du bon ces derniers temps, je pense faire un mini retour sur chacun prochainement), il y a un excellent roman noir que je ne peux pas laisser passer à la trappe...

Sans conteste mon plus gros coup de cœur polar depuis longtemps et celui qui me pousse à reprendre du service aujourd’hui.

Une visite éclair...

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte (titre à rallonge emprunté à Victor Hugo) de Thierry JONQUET

L'histoire d'une jeune prof « feuj», Doblinsky, tout juste sortie de formation, qui débarque dans un collège de banlieue parisienne et se prend en pleine face la réalité du terrain. On la suit depuis sa pré-rentrée scolaire, quand elle découvre l'établissement et ses collègues (caricature amusante du monde enseignant), on sent monter avec elle la pression du premier jour de classe, puis on vit à ses côtés le quotidien tout en tension, le travail en zone «sensible». Parmi ses élèves, le jeune Lakdar se distingue des autres par son charisme et son intelligence. Malheureusement, suite à une erreur médicale idiote, il se retrouve paralysé de la main droite. Pas de chance, il voulait devenir dessinateur de BD et était même plutôt doué. Le dessin comme porte de sortie de la cité, il va falloir qu’il y renonce.

Jonquet entremêle plusieurs histoires, plusieurs destins, tous liés à ce quartier - collégiens, enseignants, procureur, flics, caïds de quartier etc…- pour aboutir à un roman noir très impressionnant dans lequel on retrouve tout ce qui fait l’actualité d’aujourd’hui. Un état des lieux de l'éducation, de la vie dans les banlieues « chaudes », l’organisation des trafics en tout genre, la montée de l'islam, les techniques utilisées pour faire de la propagande antisémite, l'embrigadement de jeunes désœuvrés pour faire le djihad...

Quand on pense que ce roman est paru en 2006 et que tout ce qu’il décrit fait aujourd’hui la une de l’actualité, on ne peut qu’être impressionné par la justesse du travail d’analyse de l’auteur et sa lucidité.

Après lecture, on lâche un petit "WOW" admiratif et puis on en veut à Thierry Jonquet de nous avoir quitté (trop tôt), abandonnés seuls dans cette merde noire noire noire qu'il nous dépeint, plantés là avec si peu d'espoir pour l'avenir. Heureusement, il nous laisse entrevoir un petit bout de piste pour s'en sortir: l'éducation.

Quiconque souhaite comprendre (mieux) la vie dans les quartiers difficiles serait bien avisé de lire cette fiction qui en dit long sur les transformations qu'a connu la société française ces 10 dernières années...

Une info complémentaire intéressante piochée chez ingannmic :

Thierry Jonquet a dû s'interrompre au cours de la rédaction de ce roman, rattrapé par une réalité qui est en quelque sorte venue appuyer sa démonstration, sous la forme d'un sordide fait divers, l'affaire Ilan Halimi, et des événements qui embrasèrent les banlieues à l'automne 2005 (il a commencé à l'écrire en septembre de la même année). Il a ensuite intégré -en les adaptant à sa fiction- ces deux éléments à son récit.

Son avis, moins enthousiaste que le mien, est ici:

http://bookin-ingannmic.blogspot.fr/2010/04/ils-sont-votre-epouvante-et-vous-etes.html

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Rédigé par gridou

Publié dans #noir et polar

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Publié le 7 Janvier 2015

J'avais commencé à rédiger une bafouille de bonne année... Elle va rester remisée dans les brouillons quelques jours, aujourd'hui le cœur n'y est pas.

Triste actu...

Frédéric Boisseau, agent d’entretien

Franck Brinsolaro, brigadier au service protection

Jean Cabut, dit Cabu, dessinateur

Stephane Charbonnier, dit Charb, dessinateur

Philippe Honoré, dit Honoré, dessinateur

Bernard Verlhac, dit Tignous, dessinateur

Georges Wolinski, dessinateurs

Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse

Mustapha Ourad, correcteur

Bernard Maris, économiste

Michel Renaud, fondateur du festival Rendez-vous du carnet de Voyage

Ahmed Merabet, policier du 11e arrondissement

Triste actu...

Toutes mes pensées aux victimes et à leurs proches

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Rédigé par gridou

Publié dans #hors sujet

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Publié le 14 Novembre 2014

Watchmen l'intégrale d'Alan MOORE et Dave GIBBONS - BD

Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu de roman graphique et celle-ci ne m'aurait pas attirée a priori (SF + super héros = pas ma came) si on ne me l'avait recommandée (merci Erwan pour le conseil et le prêt).

Et effectivement c'était un très bon choix!

Ce que je ne savais pas (parce que je suis loin d'être une spécialiste dans ce domaine), c'est qu'il s'agit là d'une série culte. Et j'ai compris pourquoi dès les premières pages, tellement l'intrigue est riche et le propos ambitieux.

Watchmen est une série de 12 épisodes, dont l'action se déroule en 1985 (pour la petite histoire, Moore a choisi 1985 parce qu'il souhaitait situer l'action juste après 1984 - l'année 1984 d'Orwell).

Watchmen l'intégrale d'Alan MOORE et Dave GIBBONS - BD

Les Watchmen sont des super héros ordinaires (comprendre sans super pouvoirs - sauf pour le Dr Manhattan) qui se sont réunis en équipe pour combattre le crime. Des années après que le groupe ait été disloqué, les super héros sont éliminés les uns après les autres. L'un deux va mener l'enquête...

Jusqu'ici, rien que de très classique.

Chaque épisode / chapitre nous raconte l'histoire d'un des personnages.

Au fil des flash-back, on découvre des super héros bien loin des stéréotypes, le verni se craquelle de toutes parts. Si leur intention de départ, combattre le crime, faire régner l'ordre et la justice semblait louable, les choses ont fini par mal tourner, certains héros profitant de leur statut pour faire preuve de violence en toute impunité. A tel point que la population commence à se révolter, des graffitis "Who whatches the Watchmen?" fleurissent un peu partout et que la loi Keene, qui interdit aux vengeurs masqués de faire justice eux-mêmes, est promulguée.

Il ne s'agit là que du début de l'intrigue, assez complexe (12 tomes quand même!).

Watchmen l'intégrale d'Alan MOORE et Dave GIBBONS - BD

Comme dans tout roman de SF qui se respecte, l'histoire de départ est un prétexte à faire découvrir le monde imaginé par les auteurs, en l’occurrence ici, un monde très noir, empreint de violence, amoral et corrompu dans lequel les super héros eux-mêmes sont des salauds. Une caricature poussée à l’extrême du monde actuel, tellement sombre et en même temps tellement proche de la réalité...

L'album est très dense, assez bavard, les textes limite philosophiques sur le sens de la vie, les valeurs et principes. On en ressort un peu sonné en se demandant où va le monde...

Watchmen l'intégrale d'Alan MOORE et Dave GIBBONS - BD

Moi je voulais juste rêver devant des super héros en collant et c'est tout le mythe américain qui s'est effondré à mes pieds quand j'ai tourné les pages...

A noter:

La traduction française est l'oeuvre de Pierre Manchette "ce qui est quand même un signe..." dixit Ernest.

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Rédigé par gridou

Publié dans #BD- romans graphiques ...

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Publié le 5 Novembre 2014

Du sang dans la sciure de Joe R.LANSDALE

Un excellent Lansdale, qui ne fait pas partie de la série Hap et Léonard mais dans lequel on retrouve tout ce qu'on aime chez l'auteur avec en prime une enquête bien ficelée.

Le décor est toujours le même: le Texas des années 30 et sa nature hostile (le mot est un peu faible vu toutes les calamités qui s’abattent sur la ville...).

La menace du Klan plane vaguement, la ségrégation raciale bat son plein.

Les hommes de la petite ville de Camp Rapture vivent de l'agriculture ou du travail à la scierie. La population est plutôt rustre, rodée aux rudesses de la vie pauvre.

Ce qui change un peu, ce sont les personnages féminins. Hé oui! Le personnage principal est une femme. Et quelle femme!

Sunset, la belle rouquine, battue et violée par son mari les jours où il a la main un peu lourde sur la bouteille. Jusqu'au jour où...voyant sa dernière heure arriver, elle profite qu'il ait le pantalon baissé pour lui prendre son arme et lui tirer une balle dans la tête.

"Il se contenta d'encaisser la décharge brûlante, de lâcher un pet presque aussi sonore que la détonation du .38, et de s'en aller sur le cheval noir de la Mort."

La ville se retrouve alors sans constable.

C'est Sunset, grâce au soutien de sa belle-mère, qui va hériter du poste malgré la désapprobation générale. Une femme constable tout de même! Qui en plus a osé tenir tête à son mari. Elle ne connait rien au métier mais elle va devoir s'y mettre, avec l'aide de 2 adjoints qui se sont portés volontaires (très volontaires même! Davantage pour raisons personnelles que professionnelles...), quand le corps d'une femme sera retrouvé dans un champ, sur le terrain du seul propriétaire noir de la région.

Malgré une petite variation sur le thème du héros viril, aucun doute, on est bien chez Lansdale. On retrouve l'humour, la petite note burlesque à l'occasion, quelques belles scènes de castagne et un vocabulaire toujours aussi fleuri ("Il possède un puits de pétrole et il est persuadé que parce qu'il a du pognon il ne pue plus de la bite."). Mais aussi beaucoup d'humanité, un hommage aux femmes, aux pauvres, à tous les laissés-pour-compte. Un constat de la folie des hommes prêts à tout pour quelques dollars. Le souci de dénoncer l'injustice. Il faut aussi reconnaître qu'il décrit avec beaucoup de justesse les années sombres de la dépression (comme dans un bon roman noir?). On peut lui reprocher d'avoir une vision un peu trop manichéenne du monde (les méchants contre les gentils opprimés) mais n'est-ce pas ce côté légèrement caricatural qui fait tout le charme?

En tout cas on ne s'ennuie pas une seconde et en ce qui me concerne, c'est toujours un vrai plaisir de lire un auteur qui ne la pète pas, qui n'a pas peur d'appeler un chat un chat, mais qui n'oublie pas pour autant de mettre de la profondeur dans son récit.

Je me suis demandé si Lansdale avait voulu, avec ce roman, rendre hommage à l'excellent film de Ridley Scott - Thelma et Louise...On y trouve en effet quelques troublantes ressemblances.

Un dernier petit extrait pour le plaisir (à propos du Klan):

"Il n'était pas impressionné par leurs draps, lui aussi il en avait, mais il était assez intelligent pour savoir qu'ils allaient sur son lit, pas sur sa tête."

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Rédigé par gridou

Publié dans #noir et polar

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Publié le 14 Octobre 2014

L'homme qui a vu l'homme de Marin LEDUN

Nouvelle tentative avec Marin Ledun, qui m'avait vraiment bluffée avec ses visages écrasés, un peu moins avec dans le ventre des mères.

J'ai eu envie de récidiver quand même, convaincue d'être tombée un auteur bourré de talent, et j'ai bien fait!

Tout commence par une grosse bavure: un homme enlevé, séquestré, torturé pour interrogatoire et qui claque entre les mains de ses geôliers...Une grosse boulette difficile à planquer sous le tapis.

L'homme en question est un militant d'ETA.

Ses bourreaux: des flics (ou presque).

La famille porte plainte pour cette disparition inquiétante, organise une conférence de presse, fait tout le boucan qu'elle peut mais les efforts pour retrouver Jokin restent vain. Seuls 2 journalistes s'intéressent à la question. Chacun de leur côté.

L'un a un réseau long comme le bras.

L'autre débarque tout juste dans ce pays basque, patrie de son père, mais ne connait pas encore les us et coutumes locales.

Je dois reconnaître que le thème, la question basque, ne m'a pas spécialement captivée (je n'ai jamais très bien compris le militantisme régional). Mais peu importe le contexte en fait. Je suis rentrée dedans quand même, comme si j'avais lu n'importe quelle histoire de journaliste acharné qui veut coûte que coûte comprendre les enjeux d'une guerre sale entre un groupuscule armé et un gouvernement aux méthodes douteuses. Un thème assez universel finalement. J'ai surtout été happée par l'écriture de Ledun. Oppressée même. J'ai mis un moment à comprendre d'où venait cette sensation d'urgence et ce stress à la lecture...c'est lié d'une part aux phrases courtes, aux formules chocs. Mais aussi à l'utilisation du présent. Tout est raconté au présent. Et ça fonce à 100 à l'heure. Direct dans le mur. Comme un bon roman noir.

Ledun laisse entendre qu'il s'est inspiré de faits réels pour écrire son roman, alors pour peu que vous soyez un peu sensible à la cause basque, pas une seconde à perdre pour découvrir qui est l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme...se faire enlever.

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Rédigé par gridou

Publié dans #noir et polar

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Publié le 23 Septembre 2014

Tendre comme les pierres de Philippe GEORGET

C'est la 4ème fois que je suis enthousiaste à la fin d'un roman de Georget.

Et c'est son 4ème roman.

Que dire de plus...?

L'histoire:

Lionel est journaliste. Le genre de journaliste que j'aime bien: bougon, désabusé et tellement grillé dans le milieu qu'il ne bosse plus que rarement. Et sur des plans un peu foireux.

Cette fois, il est embauché pour réaliser un doc institutionnel destiné à ramener des fonds. Pour ce faire, il se rend en Jordanie, sur le site de Petra et s'apprête à interviewer le professeur Moreau, archéologue. Quelques interviews, des plans du chantier de fouilles et des beaux paysages à intercaler...l'affaire sera vite réglée pense-t-il. Mais quand il arrive sur place, Moreau vient d'être arrêté par la police. Le vieil homme est accusé de pédophilie. Son homosexualité remonte à la surface. L'amalgame est facile. Trop?

Le tournage du documentaire est quelque peu compromis mais Lionel va tout de même saisir l'opportunité de rédiger quelques papiers sur cette affaire. Il devrait pouvoir en tirer de quoi se payer l'hôtel quelques jours de plus et compenser le retard du tournage. L'ennui, c'est qu'il va devoir continuer avec Mélanie, l'assistante du professeur, qui lui tape sérieusement sur les nerfs. N'empêche qu'elle est convaincante...et que Lionel commence à son tour à douter et se demander si Moreau n'a pas été éjecté du circuit parce qu'il devenait gênant...

Et puis c'est parti! En route au milieu du flot de touristes à bob bleu pour visiter le site de Petra, ses alentours, le désert, les montagnes...La marche, le soleil brûlant, le thé sucré, les repas partagés avec les mains, les galettes de pain, les bédouins, les chameaux,...Comme si on y était.

Georget a ce talent d'embarquer le lecteur en toute simplicité. L'enquête tient bien la route (avec différentes pistes, un peu brouillée et des doutes qui s'immiscent petit à petit sur les différents personnages) sans pour autant en faire des tonnes. Pas de courses poursuites, pas de violence, pas de scénario super alambiqué. On y va tranquille, sans tourner les pages frénétiquement et on suit la trame tissée par l'auteur, alors que l'intérêt du roman est presque ailleurs. Dans la découverte d'un pays, la Jordanie, ses habitants, son histoire actuelle et passée, son avenir, la réflexion sur le tourisme de masse, sur le métier de journaliste aussi. Les descriptions de paysages sont sublimes. On sort de là en se demandant pourquoi on n' a pas encore acheté son billet d'avion...Mais aussi en se demandant ce qu'il se passera si tout le monde y va...

L'autre talent de Georget est de créer des personnes hyper attachants auxquels on s'identifie. Ça peut être un jeune boxer (cf. le paradoxe du cerf-volant) ou ici, un journaliste de la cinquantaine, solitaire, hargneux et revenu de tout. Y compris de la guerre en Irak. En fait non, Lionel est plutôt un séducteur au cœur tendre qui aime son boulot. Heu...En fait...comment dire...bah c'est tout ça à la fois. Les personnages de Georget sont terriblement humains parce que complexes, plein de failles,et c'est ce qui fait qu'on y croit à fond.

Et c'est pour ça qu'à la sortie de son prochain roman, je foncerai de nouveau tête baissée.

Du même auteur ( publié chez Jigal):

Le paradoxe du cerf-volant

L'été tous les chats s'ennuient

Les violents de l'automne

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Rédigé par gridou

Publié dans #noir et polar

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Publié le 16 Septembre 2014

Histoire d'O de Pauline Réage

La littérature érotique n'avait pas encore trouvé sa place dans les Gridouillis. C'est désormais chose faite, avec Ô surprise!, un roman érotique sado-maso.

L'idée n'étant pas de succomber à la mode des "mummy porn soft" (ce n'en est pas un - et quel terme atroce! Qui a pu inventer ça??) mais plutôt de re-découvrir un grand classique (pubié en 1954) qui m'avait tuée au bout de 10 pages à la 1ère lecture.

Et puis, quand un livre est assez sulfureux pour déclencher un tel scandale - une interdiction de vente aux mineurs, d'affichage et de publicité pendant plus de 20 ans - j'ai envie de savoir de quoi il retourne exactement.

Le début de l'histoire:

O est la fiancée de René. Un jour qu'il vient la chercher en taxi (le roman commence directement par cette scène), il lui demande de se déshabiller sur la banquette arrière et la dépose devant une porte. Il lui dit d'entrer et d'obéir aux ordres qui lui seront donnés. A l'intérieur, O se laisse guider jusqu'à une chambre (une cellule?), tend les poignets pour qu'on l'attache et commence à subir tous les outrages que les maîtres voudront lui infliger (rapports sexuels divers et forcés, coups de fouets, de cravache, humiliations et autres traitements qui rivalisent d'inventivité...).

Lors de ma première lecture, il y a plusieurs années, je m'étais arrêtée très vite (dès les premiers coups de fouets). La maltraitance d'O m'était insupportable. En fait, c'est surtout son absence de rébellion qui me paraissait inconcevable. Comment cette fille pouvait être aussi passive, aussi soumise, assez idiote pour accepter d'être livrée en pâture aux "amis" de son fiancé sans broncher? Quelle image dégradante de la femme me montrait-on là?

Je ne comprenais pas.

Et effectivement...Je n'avais rien compris.

Je n'avais pas compris qu'il y a une autre façon d'aborder histoire d'O.

Il ne faut pas le prendre au 1er degré mais le considérer comme ce qu'il est à la base: un fantasme.

Qui plus est, un fantasme de femme.

Pauline Réage (c'est un pseudo, on finira par découvrir la véritable identité de l'auteur -Dominique Aury - après des années de folles rumeurs) a écrit ce récit pour émoustiller son amant de l'époque "Je n'étais pas jeune, je n'étais pas jolie. Il me fallait trouver d'autres armes." expliquera-t-elle longtemps après.

Une fois qu'on a accepté cette idée, il est beaucoup plus facile d'entrer dans le récit et de l'apprécier. En avançant dans la lecture on comprend (ce n'est pas dit tout de suite) qu'O n'est pas une victime, elle est parfaitement consentante (je n'aime pas le terme de "victime consentante" - mais c'est un autre débat...). Elle accepte d'être soumise, de s'abandonner totalement à celui qu'elle aime, d'être son esclave dévouée. Et elle en tire du plaisir. De la fierté aussi. Quand elle a des moments de doute et d'angoisse, ce n'est pas à cause des mauvais traitements qu'elle subit mais parce qu'elle redoute que son maître ne l'aime plus autant, qu'il se lasse d'elle et la rejette. Elle est dépendante de l'attention qu'il lui porte.

J'ai trouvé très intéressant de se placer du point de vue de la soumise et d'essayer de comprendre ses motivations. Mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas chercher trop loin. Il faut lire histoire d'O comme petite curiosité coquine, piquante, et le consommer avec légèreté.

Bien que destiné à un public averti, le style, il n'est pas si cru qu'on pourrait s'y attendre. L'auteur a tendance à survoler les scènes d'amour en utilisant des termes vagues, un peu désuets. Les situations sont suffisamment parlantes et dérangeantes pour que l'auteur n'ait sans doute pas jugé utile d'en rajouter. Cependant, on regrettera un peu le manque de vocabulaire pour décrire les scènes charnelles et désigner les parties du corps. Toujours les 2 mêmes mots, imprécis, le ventre pour parler du vagin, les fesses pour désigner l'anus. Ce n'est pas comme si la langue française était limitée pour parler d'amour! (Sachez en tout cas, avant d'entamer cette lecture, que les plis du ventre ne désignent pas forcément les bourrelets au dessus de la taille...ça vous aidera à mieux comprendre certaines scènes:) )

Histoire d'O a reçu le prix des 2 magots en 1955

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Rédigé par gridou

Publié dans #Erotique

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