Chien blanc de Romain Gary

Publié le 4 Mars 2015

Chien blanc de Romain Gary

Après la promesse de l'aube, il a fallu que je découvre (d'urgence) d'autres titres de Romain Gary. Ce fut donc Chien blanc, sur recommandation...

Tout commence par la rencontre avec un chien...

Cette fois encore, le récit est autobiographique. Gary vit à Los Angeles avec sa femme, Jean Seberg, actrice. Ils ont une grande maison pleine d'animaux. Gary adore les animaux. N'écoutant que son cœur, il adopte illico le gros chien sans collier tout trempé qui vient se présenter à sa porte. C'est un beau berger allemand, doux et affectueux. Quelques jours après son arrivée à la maison, le chien attaque l'homme chargé de l'entretien de la piscine. Puis un livreur. Il ne faut pas longtemps à Gary pour comprendre que le gentil toutou n'est pas un chien ordinaire, il a été dressé à l'attaque. C'est un chien blanc: un chien de flic dressé à attaquer les noirs. Gary est profondément choqué par le dressage dont le chien a fait l'objet. Il se rend dans un chenil spécialisé pour faire re-dresser le chien. Impossible, trop tard, lui dit-on. Guérir le chien de la haine qu'il a en lui devient alors son obsession, pour ne pas faire piquer le chien mais surtout pour le symbole. On est en 1968, en pleine guerre du Vietnam, les mouvements civiques contre la ségrégation sont très actifs, Martin Luther King est assassiné, les émeutes raciales embrasent le pays. A la maison, Jean est très investie dans la cause noire. Elle donne beaucoup de temps et d'argent à des associations. Elle est constamment sollicitée, mais aussi beaucoup critiquée, on l'accuse (à tort) de vouloir soigner son image, de manquer de sincérité. On la menace de mort aussi.

Chien blanc est un récit assez touffu bien que court (220 pages), plein de personnages secondaires, notamment des militants de tous bords. Bien sûr, l'histoire du chien est emblématique, elle permet à Gary d'élargir la réflexion, de revenir sur l'histoire passée et actuelle des noirs aux États-Unis, de faire une étude de la société américaine. N'oublions pas qu'il est diplomate et qu'il voyage beaucoup, il a une vision du monde très globale, beaucoup de recul sur la situation (d'autant plus qu'il n'est pas américain). Pour ça, ce livre est hyper intéressant.

Cependant, j'ai été un peu gênée par le ton de l'auteur. Gary semble se sentir vieux et las dans ce livre, bien qu'il n'ait que 54 ans. Par moments, il est si désabusé et blasé de ses frères humains qu'il en vient à préférer la compagnie des animaux. Il humanise énormément ses amis à 4 pattes et ne cesse de raconter des petites anecdotes à leur sujet. Au risque de me mettre la SPA (et plein d'autres) à dos, je dois avouer que ça m'a agacée. Gary choisit un thème hyper ambitieux, développe son propos en prenant plusieurs angles d'attaque, plusieurs point de vue - des militants, des politiques - et il le fait vachement bien! Puis de conclure que les hommes sont vraiment des salauds avec leurs guerres et leur haine alors que les chiens...méritent vraiment tout l'amour qu'on leur porte. Je schématise évidemment. Mais vraiment...pour moi il y a trop de sentiments dégoulinants d'affection pour les animaux et de froideur vis à vis de l'Homme dans ce bouquin.

En fait, j'avais espéré (même si le thème ne s'y prête pas) retrouver l'humour et le ton que j'avais tant aimés dans la promesse de l'aube.  D'où ma déception.

 

Je n'ai lu que des critiques élogieuses sur Chien blanc, il est donc probable que l'amour de Gary pour les bêtes (mais pas pour les humains) n'a dérangé que moi. Et il serait dommage de se priver de cette lecture pour cette raison, d'autant plus qu'il y a vraiment plein de bonnes choses dedans. 

 

Romain Gary et Jean Seberg
Romain Gary et Jean Seberg

Un passage qui m'a beaucoup plu (comme quoi les choses n'ont pas beaucoup évoluées en quarante ans):

«Une maison brûle, mais elle n'intéresse personne. Par contre, à cinquante mètres de là, devant la vitrine d'un magasin, on regarde les maisons brûler sur l'écran d'une télévision. La réalité est là, à deux pas, mais on préfère la guetter sur le petit écran: puisqu'on l'a choisie pour vous la montrer, ça doit être mieux que cette maison qui brûle à côté de vous. La civilisation de l'image est à son apogée. »

Rédigé par gridou

Publié dans #romans

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I
J'ai l'intention de le lire depuis longtemps ... on verra si je te rejoins sur tes bémols...
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G
Ha oui! J'ai hâte de lire ça :)