Du sang dans la sciure de Joe R.LANSDALE
Publié le 5 Novembre 2014
/image%2F0552561%2F20141026%2Fob_d0f9f8_cvt-du-sang-dans-la-sciure-2123.jpeg)
Un excellent Lansdale, qui ne fait pas partie de la série Hap et Léonard mais dans lequel on retrouve tout ce qu'on aime chez l'auteur avec en prime une enquête bien ficelée.
Le décor est toujours le même: le Texas des années 30 et sa nature hostile (le mot est un peu faible vu toutes les calamités qui s’abattent sur la ville...).
La menace du Klan plane vaguement, la ségrégation raciale bat son plein.
Les hommes de la petite ville de Camp Rapture vivent de l'agriculture ou du travail à la scierie. La population est plutôt rustre, rodée aux rudesses de la vie pauvre.
Ce qui change un peu, ce sont les personnages féminins. Hé oui! Le personnage principal est une femme. Et quelle femme!
Sunset, la belle rouquine, battue et violée par son mari les jours où il a la main un peu lourde sur la bouteille. Jusqu'au jour où...voyant sa dernière heure arriver, elle profite qu'il ait le pantalon baissé pour lui prendre son arme et lui tirer une balle dans la tête.
"Il se contenta d'encaisser la décharge brûlante, de lâcher un pet presque aussi sonore que la détonation du .38, et de s'en aller sur le cheval noir de la Mort."
La ville se retrouve alors sans constable.
C'est Sunset, grâce au soutien de sa belle-mère, qui va hériter du poste malgré la désapprobation générale. Une femme constable tout de même! Qui en plus a osé tenir tête à son mari. Elle ne connait rien au métier mais elle va devoir s'y mettre, avec l'aide de 2 adjoints qui se sont portés volontaires (très volontaires même! Davantage pour raisons personnelles que professionnelles...), quand le corps d'une femme sera retrouvé dans un champ, sur le terrain du seul propriétaire noir de la région.
Malgré une petite variation sur le thème du héros viril, aucun doute, on est bien chez Lansdale. On retrouve l'humour, la petite note burlesque à l'occasion, quelques belles scènes de castagne et un vocabulaire toujours aussi fleuri ("Il possède un puits de pétrole et il est persuadé que parce qu'il a du pognon il ne pue plus de la bite."). Mais aussi beaucoup d'humanité, un hommage aux femmes, aux pauvres, à tous les laissés-pour-compte. Un constat de la folie des hommes prêts à tout pour quelques dollars. Le souci de dénoncer l'injustice. Il faut aussi reconnaître qu'il décrit avec beaucoup de justesse les années sombres de la dépression (comme dans un bon roman noir?). On peut lui reprocher d'avoir une vision un peu trop manichéenne du monde (les méchants contre les gentils opprimés) mais n'est-ce pas ce côté légèrement caricatural qui fait tout le charme?
En tout cas on ne s'ennuie pas une seconde et en ce qui me concerne, c'est toujours un vrai plaisir de lire un auteur qui ne la pète pas, qui n'a pas peur d'appeler un chat un chat, mais qui n'oublie pas pour autant de mettre de la profondeur dans son récit.
Je me suis demandé si Lansdale avait voulu, avec ce roman, rendre hommage à l'excellent film de Ridley Scott - Thelma et Louise...On y trouve en effet quelques troublantes ressemblances.
Un dernier petit extrait pour le plaisir (à propos du Klan):
"Il n'était pas impressionné par leurs draps, lui aussi il en avait, mais il était assez intelligent pour savoir qu'ils allaient sur son lit, pas sur sa tête."